Visite d’une centrale de méthanisation

Il n’y a pas que les centrales nucléaires et les éoliennes qui produisent de l’électricité. Les unités de méthanisation commencent à gagner du terrain, notamment dans le milieu agricole, propice à ce type de système de production.

En début d’année, j’ai eu l’occasion de me rendre sur le GAEC Traversier situé sur la commune de Plats. Les quatre associés de cette polyculture d’élevage de poules pondeuses et de vaches laitières ont récemment mis en service une unité de méthanisation.

Notre visite a débuté par un tour de l’exploitation laitière qui compte environ 200 vaches (à titre de comparaison, une ferme laitière française se compose en moyenne de 60 vaches). La production est de plus d’un million de litres de lait par an, la majorité étant vendu (0,32€ le litre) à la multinationale Danone. Il faut savoir que l’État préconise un prix d’achat à 0,40€ le litre mais les acheteurs n’ont aucune obligation de ce côté là…aucun respect pour nos éleveurs. 🙁

Maintenant au niveau des conditions de vie j’ai été franchement refroidie! C’était la première fois que je mettais les pieds dans une ferme. Ces pauvres bêtes vivent les unes sur les autres, mangent en partie du soja produit à l’autre bout du monde, ne sortent jamais du bâtiment et sont gérées en grande partie par des robots (traite automatisée, appareil brosseur, distributeur de nourriture). L’exploitant nous explique que si les vaches pâtureraient le rendement économique serait moindre (eh oui toujours cette logique économique!), quant à une production en Bio elle ne s’écoulerait pas car ce n’est pas forcément une attente/demande des consommateurs. Ils aimeraient donc un passage en pâturage et une conversion en Bio mais ils sont coincés économiquement.

Mais passons, ce n’est pas le sujet de cet article!

La méthanisation (dite aussi biométhanisation ou digestion anaérobie) est le processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d’oxygène (donc anaérobie). La décomposition n’est pas complète et laisse le « digestat » (en partie comparable à un compost).

La méthanisation c’est aussi une technique mise en œuvre dans des méthaniseurs où l’on accélère et entretient le processus pour produire un méthane utilisable (le biogaz, dénommé biométhane après épuration). Des déchets organiques (ou produits issus de cultures énergétiques, solides ou liquides) peuvent ainsi fournir de l’énergie.

Dans le cas du GAEC il s’agit d’une diversification de leur activité par la récupération du fumier de vache (10t par jour) et des fientes de poules (1,4t par jour). L’équilibre étant important pour optimiser le processus de méthanisation, ils y rajoutent 500kg de déchets de pommes (provenant de l’usine Andros) et 400kg de déchets de tournesol. Toute cette matière est mise dans un digesteur. Il s’agit d’une immense cuve de 1500m3 isolée, chauffée à 44 degrés et brassée régulièrement dans laquelle les bactéries se développent automatiquement au bout de 2 mois ½ pour commencer à digérer la matière.

Le gaz qui résulte de ce processus arrive à 44 degrés, il est refroidi donc condensé, et passe par un filtre à charbon pour capturer le souffre. Il reste alors le CO2 qui ressort par une cheminée et enfin le méthane.

Ce dernier passe dans une machine faisant tourner une turbine et produisant ainsi de l’électricité. La production est de 3000 kW/jour, en moyenne 150 kW/heure (à 100 kW l’installation est considérée comme non rentable), et représente la consommation d’environ 70 maisons. Aujourd’hui, l’intégralité de l’électricité produite est vendue à EDF pour 23cts du kW. Ils aimeraient pouvoir alimenter des bâtiments du village (ex: école) mais pour cela il faudrait créer un réseau de distribution. Par contre en ce qui concerne la chaleur générée par la machine, elle est utilisée pour chauffer la cuve, leurs locaux et l’eau chaude sanitaire.

Dans la mise en place de ce projet, le GAEC a été accompagné par la SCARA qui est un bureau d’étude, de conseil et développement spécialisé en méthanisation et en agro-écologie.

L’investissement total a été de 1 400 000€ avec un remboursement sur 17 ans. Ils ont été aidé financièrement par la région et l’ADEME avec une subvention de 200 000€. Leur contrat avec EDF est sur une durée de 20 ans.

Comme souvent, les riverains ont craint des problèmes d’odeurs, non justifiés en ce qui concerne le biogaz inodore et l’épandage de digestat est en outre moins odorant que celui de lisier brut. Mais aussi l’augmentation du trafic avec la circulation des déchets pour alimenter les installations et les risques potentiels (incendie, pollution…).

Ce projet leur permet de valoriser les fumiers et lisiers, de produire de la chaleur, de générer de l’électricité vendue à EDF et d’utiliser le digestat comme fertilisant d’excellente qualité. Et ils ne pensent pas s’arrêter là puisqu’à moyen terme ils envisagent d’alimenter les tracteurs avec le biogaz et de poser des panneaux photovoltaïques sur leur bâtiment.


Pour aller plus loin

Synthèse (source wikipédia)

Atouts de la méthanisation agricole :

  • Diversification des activités et des sources de revenus complémentaires à moyen et long terme pour l’exploitant qui bénéficie d’un contrat de reprise d’électricité au tarif garanti 15 ans par les pouvoirs publics, ce qui sécurise l’investissement ;
  • Acquisition d’une autonomie de l’exploitation pour la production de chaleur (dans un contexte d’augmentation du prix des énergies fossiles) ;
  • Amélioration de la valeur agronomique des lisiers et fumiers (désodorisation, conservation des éléments structurant pour le sol, assimilation facilitée de l’azote par les plantes ce qui réduit les pertes vers les nappes phréatiques) ;
  • Valorisation de la ressource en matière organique des exploitations ;
  • Valorisation des investissements réalisés lors de la mise aux normes des bâtiments.

Enjeux collectifs :

  • Contribution à la transition énergétique avec une énergie verte issue de ressources organiques renouvelables ;
  • Moindres émissions de gaz à effet de serre en remplaçant des énergies fossiles par une énergie renouvelable tout en limitant les émissions de méthane lors du stockage des effluents d’élevage ;
  • Solution alternative et locale au traitement de déchets organiques.

Enjeux pour le territoire :

  • Autonomie énergétique des territoires (maîtrise du coût de l’énergie, énergie décarbonée et attrait pour de nouvelles entreprises) ;
  • Création et/ou maintient d’emploi (équipementier pour une nouvelle activité, maintenance, bureau d’études, emplois locaux non délocalisables liés à la diversification d’activités agricoles ou artisanales…) ; Selon Alexandre Dubreuil (GRDF) en 2018 « en moyenne, un à trois emplois sont créés par méthaniseur installé »
  • Valorisation et gestion plus soutenable des déchets, réduction des coûts de transport…

La méthanisation, des questions sur une usine à gaz

C’est une question de taille : conçue comme une industrie, la méthanisation est dommageable. Pensée à l’échelle d’une exploitation, elle peut être bénéfique pour l’environnement et pour les paysans, Reporterre a mené l’enquête.


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