CCC et loi climat

Dans cet article je vais parler de politique, et c’est assez rare pour le souligner ! J’avais envie d’apporter un éclairage sur ce qu’il se joue en ce moment autour de la loi Climat et Résilience. Histoire d’une loi conçue de manière inédite, par les citoyen·nes, pour les citoyen·nes, afin de relever le grand défi climatique. Mais sera-t-elle à la hauteur ?

D’habitude je mets plutôt l’accent sur le changement individuel, car pour moi c’est la base de tout, mais je pense aussi que pour aller plus vite et plus loin il faut agir à tous les niveaux. J’aime le « principe du tabouret » de Cyril Dion, qui dit que pour qu’une idée vertueuse (et donc plus globalement la transition écologique) résiste et s’étende, il faut qu’elle repose sur trois pieds, comme un tabouret : les citoyen·nes qui l’impulsent, les élu·es qui l’encouragent et les acteurs économiques (entreprises, banques…) qui la mettent en œuvre.

Alors qu’en est-il de nos élu·es au niveau national ? Avant de parler du projet de loi, faisons un retour sur la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC).

La Convention Citoyenne pour le Climat, c’est quoi ?

C’est tout d’abord une expérience démocratique inédite en France, c’est la première fois que des citoyen·nes français·es sont directement impliqué·es dans la préparation de la loi.

Pendant plusieurs mois, ces citoyen·nes se sont informé·es, ont débattu et préparé des projets de loi sur l’ensemble des questions relatives aux moyens de lutter contre le changement climatique.

La CCC en 6 points​

  • 1 question → Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ? (note : cela correspond au cadre fixé par l’UE au titre de l’accord de Paris de 2015, qui pour rappel définit un cadre mondial visant à éviter un changement climatique dangereux en limitant le réchauffement de la planète à un niveau nettement inférieur à 2°C).
  • 1 objectif → Définir des mesures qui seront soumises sans filtre soit au référendum, soit au vote du Parlement, soit appliquées par voie réglementaire.
  • 150 membres → Tirés au sort, représentatifs de la diversité de la société française (tous les âges, toutes les classes sociales, tous les secteurs d’activités, toutes les régions de France sont représenté·es dans ce groupe). 
  • 1 exercice inédit → La Convention traite des questions relatives aux économies d’énergie, à la rénovation thermique des logements, à l’agriculture, aux mobilités, à la fiscalité écologique et à tout autre verrou ou levier d’action qu’elle juge pertinent.
  • 1 gouvernance et 1 organisation indépendantes → Pour organiser ses travaux, la Convention a pu compter sur le soutien d’un Comité de gouvernance, d’expert·es techniques et juridiques et de professionnel·les de la participation et de la délibération collective. Trois garant·es ont veillé à la neutralité et à la sincérité des débats. L’organisation a été assurée par le CESE, institution constitutionnellement indépendante.
  • 1 calendrier → La Convention s’est réunie à 7 reprises pendant 3 jours entre octobre 2019 et juin 2020.

Historique de sa mise en place

En décembre 2018, en plein mouvement des Gilets jaunes, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) décide de tirer au sort des citoyen·nes pour venir travailler à l’élaboration d’un rapport (le CESE est une assemblée consultative qui conseille le Gouvernement et le Parlement sur l’élaboration des lois et les orientations des politiques publiques, il est composé de représentants sociaux : patronat, syndicats, associations).

Le 25 avril 2019, à l’issue du grand débat national, le président de la République annonce le projet de création de la CCC, reprenant ainsi une proposition émise par le collectif des Gilets citoyens regroupant 125 personnalités militantes et universitaires. Pour rappel, le grand débat national a été lancé le 15 janvier 2019, était ouvert à tous les Français via des débats locaux, des conférences, des cahiers de doléances mis en place dans les mairies et un site Internet dédié. L’objectif était de faire remonter les souhaits des Français·es autour de quatre thèmes : la transition écologique, la fiscalité, la démocratie et la citoyenneté, l’organisation de l’État et des services publics.

Le 2 juillet 2019, le Premier ministre Édouard Philippe adresse une « lettre de mission » au CESE pour organiser la CCC.

En octobre 2019, la CCC est constituée par le CESE et se réunit pour la première fois.

Les propositions de la CCC

En juin 2020, après plus de 8 mois de travail, d’auditions et de débats, les 150 membres de la CCC rendent leurs propositions au gouvernement. Elles sont au nombre de 149. Le fruit de cette réflexion est organisé en cinq thématiques du quotidien : se déplacer, consommer, se loger, produire et travailler, se nourrir.

Emmanuel Macron s’engage alors à reprendre « sans filtre » les propositions soit au référendum, soit au vote du Parlement, soit en application directe.

Sur les 149 propositions émises, trois sont écartées par Emmanuel Macron : la réécriture du préambule de la Constitution, la limitation de la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes et la création d’une taxe de 4 % sur les dividendes pour des entreprises en distribuant plus de 10 millions d’euros par an. Les 146 autres ont vocation à être mises en œuvre par le Gouvernement.

Au cours du Conseil de défense écologique de juillet 2020, les toutes premières mesures sont adoptées, dont l’interdiction des terrasses chauffées et le moratoire sur les aménagements commerciaux.

Le projet de loi Climat et Résilience

L’année 2021 démarre avec une batterie de mesures écologiques, et la présentation du projet de loi contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets. À ce titre, les instances de consultations obligatoires sont saisies, en particulier le Conseil d’État, le CESE, ou encore le Conseil national de la transition écologique.

Après plusieurs reports et arbitrages musclés, le projet de loi Climat et Résilience a été présenté le mercredi 10 février en conseil des ministres. Le texte comprend 65 articles reprenant certaines des 146 mesures souhaitées par la CCC.

Selon la plate-forme de suivi de la convention mise à jour par le gouvernement, 75 des 146 mesures restantes sont indiquées comme déjà mises en œuvre, et 71 sont en cours de mise en œuvre, par voie législative, réglementaire, dans le plan de relance annoncé en réponse à la pandémie de Covid-19 ou encore lors de négociations au niveau international. Le projet de loi Climat et Résilience ambitionne, à lui seul, d’inscrire dans la loi 46 propositions, soit 30% des mesures.

Pourquoi ça coince ?

Tout cela semble donc aller dans le bon sens… mais la mauvaise nouvelle, c’est qu’en l’état, ce projet de loi est bien loin de répondre à l’urgence environnementale. Les propositions de la CCC, qui devaient servir de base à ce projet de loi, ont été considérablement amoindries.

Le 23 février 2021, le Haut Conseil pour le Climat (HCC), organisme indépendant chargé d’évaluer la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, a publié un nouveau rapport dans lequel il critique le projet de loi du gouvernement. « Une proportion élevée [des mesures du projet de loi] voit sa portée réduite par un périmètre d’application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application« . Le HCC appelle le parlement à « rectifier le tir ».

Le 28 février 2021, 119 des membres de la CCC ont voté pour juger la prise en compte de leurs propositions par le gouvernement. Il leur était demandé d’évaluer, sur une échelle de zéro à dix, si les décisions gouvernementales allaient permettre de « s’approcher de l’objectif de diminuer d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ». La majorité des citoyen·nes présent·es a jugé que non, avec une note moyenne lamentable de 2,5 sur 10.

Et tout ça alors qu’en décembre 2020 l’Union Européenne a révisé et renforcé sa lutte contre le réchauffement climatique et que les 27 ont conclu un accord pour réduire « d’au moins 55% » leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, contre l’objectif précédent de 40%.

C’est bien de poser des objectifs et de conclure des accords, c’est encore mieux d’avoir la volonté de les atteindre !!

Et maintenant ?

A partir du 8 mars, une commission spéciale de l’Assemblée Nationale s’est réunie pour étudier durant quinze jours plus de cinq mille amendements sur le projet de loi Climat et Résilience afin de juger de leur recevabilité (ces amendements sont sensés, pour la plupart, rehausser l’ambition de la loi pour être à la hauteur des enjeux climatiques).

Après une première journée d’examen, déjà près de 10% des amendements du projet de loi ont été déclarés irrecevables. Ils reprenaient pourtant de nombreuses mesures de la CCC.

Le texte sera ensuite examiné en séance plénière à partir du 29 mars.

Les 150 membres de la CCC qui se sentent trahis ne veulent pas en rester là. Soutenus par 86 associations, ils ont appelé à manifester le dimanche 28 mars pour une « vraie loi climat ». Rien n’est donc joué, et la mobilisation de chacun·e sera cruciale pour défendre une loi plus ambitieuse et porteuse de réelles solutions face au dérèglement climatique. C’est le dernier texte législatif du quinquennat consacré à l’environnement, il ne faut pas louper le coche.

On en revient donc aux citoyen·nes qui impulsent le changement ! Dans ce cas précis :

  • En participant aux manifestations pour montrer son soutien aux membres de la CCC mais aussi aux associations et aux ONG, pour porter le message « nous sommes prêt·es, à vous maintenant d’agir pour sauvegarder notre cadre de vie! »
  • En se questionnant, en se documentant, en aiguisant son esprit critique…
  • En participant à la vie politique de son quartier, sa commune, son département, sa région, son pays
  • En partageant cet article ? 😉
Un projet de loi climat qui manque d'ambition, selon un collectif  d'associations | Eco CO2

Pour aller plus loin :

Une réflexion sur « CCC et loi climat »

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