L’eau douce, ressource essentielle et inestimable

Que retiendras-tu de l’été 2022 ? Pour ma part ce sera chaleur suffocante, sécheresse extrême, incendies dévastateurs, profond désarroi de mes amis agriculteurs, arbres qui perdent leurs feuilles et leurs couleurs dès le mois d’août et la grande détresse de l’ensemble du vivant (sauf les moustiques, eux ils ont kiffé leur été!). J’en conviens, la carte postale n’est pas idéale, mais c’est notre nouvelle réalité ! Je fais le point dans cet article, avec comme axe central la ressource qui nous fait cruellement défaut cet été : l’eau.

L’été a commencé par une vague de chaleur flirtant avec les 40°C durant plusieurs jours, et là ce qui m’a le plus irrité c’est le traitement médiatique. 1 sujet sur 3 illustrait la canicule avec des images connotées positivement (mer et plage, plaisirs glacés, enfants jouant dans des fontaines) alors que dans la réalité c’est plutôt pénibilité au travail, perturbation du sommeil, irritabilité, isolement… Puis l’été avançant et les épisodes caniculaires se succédant, ce sont les incendies, les cours d’eau asséchés, les restrictions, les pertes agricoles qui se sont imposés d’eux-mêmes à la une de notre actualité. Pourquoi cette spirale infernale ?

Le cycle de l’eau

Je me souviens encore de mon cours de fin de primaire, mais revoir les bases ne fait jamais de mal alors allons-y !

L’eau opère un circuit fermé qui est le même depuis des milliards d’années.

  • L’eau des mers s’évapore dans l’atmosphère sous l’effet de la chaleur du soleil.
  • Elle forme ensuite des nuages qui vont se déplacer sous l’impulsion des vents.
  • Aidées par l’effet de gravité, les gouttelettes qui constituent les nuages s’alourdissent et retombent sur le sol sous forme de précipitations (pluie, grêle, neige).
  • Ces eaux pluviales vont permettre d’alimenter les nappes phréatiques souterraines qui vont recharger les cours d’eau, lesquels se jetteront à leur tour dans la mer.

Et ainsi, le voyage de l’eau recommence à l’infini.

Mais si ce phénomène est à l’équilibre depuis des milliards d’années, qu’est-ce qui cloche ?? Eh bien c’est encore la faute à ce bon vieux changement climatique !!

D’ici 2050-2100, une hausse des températures atmosphériques de 2°C à 5°C est attendue. Ce réchauffement impacte directement le cycle de l’eau. Lorsque les températures montent, l’évapotranspiration augmente aussi. On retrouve alors plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère et moins d’eau à l’état « liquide » disponible. Les phénomènes extrêmes sont alors plus fréquents et plus puissants : pluies violentes et inondations, longues périodes de sécheresse. En parallèle, la quantité d’eau qui alimente les cours d’eau diminue et les pluies orageuses peinent à s’infiltrer correctement dans le sous-sol, entraînant une baisse du débit des rivières et un appauvrissement des nappes phréatiques.

Un peu plus à lire -> BD – Changer le climat perturbe gravement le cycle de l’eau

Une ressource abondante, mais sous tension localement en période estivale

En France métropolitaine, les précipitations apportent en moyenne 512 milliards de m3 d’eau par an, dont les deux tiers s’évaporent. Les 210 milliards de m3 restant alimentent les eaux de surface (cours d’eau, lacs) et les nappes d’eau souterraines.

Les eaux utilisés en France proviennent en grande majorité des eaux de surface généralement plus faciles et moins chères à prélever. Pour produire de l’eau potable, on utilise principalement des eaux souterraines, moins polluées. Cependant, dans les zones urbaines, où la quantité nécessaire à chaque instant est très élevée, on prélève plutôt de l’eau de surface que les grandes collectivités ont les moyens de traiter efficacement.

L’eau prélevée est utilisée à des fins domestiques (eau potable) et économiques (agriculture, industrie, loisirs, refroidissement des centrales électriques).

Avec des prélèvements totalisant environ 31 milliards de m3, les besoins en eau semblent donc couverts. Cependant, des situations de manque d’eau peuvent survenir à certaines périodes de l’année, et dans certaines zones géographiques, en raison de prélèvements en eau supérieurs à la ressource disponible. En effet, les plus forts prélèvements d’eau ont lieu en été lorsque la disponibilité de la ressource est la plus faible, ce qui peut provoquer localement de fortes tensions ainsi que des pénuries temporaires.

Quand l’industrie rejette une grande partie de l’eau qu’elle prélève, à l’inverse, l’agriculture consomme presque toute l’eau qu’elle prélève. Les impacts sont importants, car ils sont concentrés sur la seule période de l’été, où l’agriculture peut représenter jusqu’à 80 % de l’eau consommée.

Source : OFB, Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE). Champ : France métropolitaine.

Qu’en est-il du refroidissement des centrales nucléaires ?

Pour leur fonctionnement, les centrales nucléaires prélèvent de l’eau dans les rivières, les fleuves ou la mer. En général, l’eau est rejetée là où elle a été prélevée, à une température légèrement plus élevée.

Alors que l’État se montre plutôt rassurant concernant l’impact sur l’alimentation électrique et le refroidissement des réacteurs nucléaires, je me pose pas mal de questions sur les conséquences de la hausse de la température et la baisse du débit des cours d’eau.

Des températures trop élevées peuvent conduire EDF à limiter le fonctionnement de certains réacteurs. C’est le cas en ce moment, mais compte tenu des tensions actuelles sur le réseau électrique européen, EDF a demandé une dérogation à l’ASN pour que ses centrales puissent continuer à opérer malgré tout, tant pour le maintien de la sécurité du système électrique à court terme que pour la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France pour l’automne et l’hiver prochain.

Ainsi, la centrale du Tricastin bénéficie d’une dérogation jusqu’au 11 septembre 2022, alors même que les diesels de secours du réacteur n°1 sont capables d’assurer leur mission « hors agression canicule » (les diesels de secours sont censés venir en renfort en cas de perte d’alimentation électrique pour permettre la poursuite du refroidissement et l’arrêt des réacteurs dans des conditions sûres). Sympa n’est-ce pas !

Quant aux rejets d’eau, EDF assure qu’ils sont surveillés et encadrés afin de limiter les apports de chaleur dans les cours d’eau. Mais la température de l’eau ayant globalement déjà augmenté, je doute qu’il n’y ai pas de conséquences additionnelles sur des cours d’eau déjà en souffrance. Et cela ne crée pas seulement des conditions difficiles pour la faune et la flore aquatiques, elle favorise aussi la prolifération d’espèces invasives, d’algues et de micro-organismes qui peuvent être pathogènes.

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La sécheresse et ses conséquences

La sécheresse peut résulter d’un manque de pluie, quand la quantité d’eau est nettement inférieure aux normales saisonnières sur une période prolongée. Les épisodes de sécheresse peuvent être aussi le résultat d’une utilisation trop intensive ou inadaptée de l’eau disponible.

Lorsque le manque de pluie survient en hiver ou au printemps (ce qui a été le cas cette année), il empêche le bon remplissage des nappes phréatiques, nos « réserves » d’eau, qui s’effectue d’habitude à cette période de l’année.

Ensuite, au-delà du mois d’avril, l’eau de pluie est essentiellement absorbée par les plantes, en pleine croissance, ou s’évapore à cause de la chaleur. La sécheresse peut alors être accentuée par des températures élevées (ce qui a aussi été le cas cette année!), qui provoquent un assèchement des sols et l’évaporation plus importante de l’eau disponible.

Année après année, ce phénomène jusque là exceptionnel tend à devenir récurrent. Le manque d’eau affecte directement les poissons (réduction ou disparition de leur habitat naturel), mais aussi les animaux qui doivent s’abreuver ainsi que les végétaux qui ont grandement besoin d’eau pour survivre. Les forêts sont particulièrement vulnérables, elles deviennent sèches et déshydratées, ce qui peut causer leur mort et favoriser les feux de forêt. Nos montagnes souffrent d’une chaleur intense, ce qui a pour conséquences une fonte des neiges précoce, des éboulis, le niveau des lacs qui baissent et tout l’écosystème qui s’en trouve perturbé. On y pense peut-être moins mais les sécheresses à répétition fragilisent aussi les fondations de nos bâtiments (notamment quand la terre est argileuse et calcaire) et se caractérise par l’apparition de fissures.

Il faut garder à l’esprit que le manque d’eau peut apparaître à tout moment dans l’année.

Cette année, les alertes de sécheresse se sont multipliées dans tout le pays dès le mois de mai. Début août, une centaine de communes françaises subissaient des ruptures d’approvisionnement en eau potable. Concrètement, cela signifie un très faible débit à la sortie du robinet, ou pire des coupures d’eau, de l’eau potable livrée par camions citerne, et près d’un million de bouteilles d’eau distribuées. Et les conséquences de la sécheresse devrait encore se faire ressentir dans les mois à venir avec une baisse des rendements agricole, et donc une hausse des prix sur certains produits, voire des pénuries.

Un peu plus à lire -> Sécheresse : que font les communes où l’eau potable manque ?

Aujourd’hui encore, la majorité du territoire subit des restrictions.

Réduire sa consommation d’eau

A la maison, de nombreux gestes nous permettent de réduire notre consommation, des habitudes à pérenniser tout au long de l’année. Pour la plupart on les connaît : prendre des douches à la place des bains, installer des chasses d’eau double flux et des réducteurs de pression sur les robinets, faire fonctionner les appareils de lavage à plein, stocker et utiliser l’eau de pluie, faire la chasse aux fuites… Et j’ai envie de dire : à quand la réutilisation des eaux grises et la démocratisation des toilettes sèches ?

Dans nos toilettes on met de l’eau potable. POTABLE ! Soit entre 4 et 10 litres par chasse d’eau.

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Tous ces gestes comptent, mais il est important d’identifier et de comprendre où sont les plus gros gaspillages. C’est l’agriculture intensive qui reste la principale consommatrice d’eau, majoritairement pour l’irrigation des milliers d’hectares de maïs destinés aux animaux d’élevage, une culture totalement inadaptée à nos conditions climatiques et à notre ressource en eau disponible l’été.

En moyenne, une seule vache consomme entre 40 et 120 l d’eau par jour.

Pour répondre au besoin en eau, des dizaines de bassines (autrement appelées « réserves de substitution pour l’irrigation agricole ») sont actuellement en projet un peu partout en France. Contrairement aux idées reçues, elles ne sont pas remplies par les pluies, mais principalement par pompage en hiver dans les nappes souterraines. Ces infrastructures géantes peuvent atteindre jusqu’à 10 terrains de football et conduisent dangereusement à l’assèchement de nos nappes phréatiques.

Un peu plus à lire -> Scandale des méga-bassines : ces retenues d’eau géantes qui assèchent les nappes phréatiques

Les pouvoirs publics tentent bien de limiter l’irrigation à « la bonne dose au bon moment », ce qui permet par endroit de diminuer la consommation de 30%, mais comment faire respecter un certain type d’usage ? Faire des économies d’eau dans le secteur agricole passe aussi par l’amélioration du matériel d’irrigation, un changement de pratiques, un choix de cultures moins consommatrices d’eau (ex : les légumineuses, racines et tubercules consomment beaucoup moins d’eau que le maïs).

Des mesures d’économie d’eau sont également préconisées auprès des industriels : amélioration des modes opératoires pour les rendre plus économes en eau, utilisation de l’eau en circuit fermé, recyclage des eaux de nettoyage.

Pas de risque de pénurie, mais une bonne gestion des ressources s’impose

Comme nous l’avons observé cet été, la France n’est pas à l’abri de situations tendues en termes d’approvisionnement en eau dans certaines régions et de manière ponctuelle. Toutefois, cela ne remet pour l’instant pas en cause l’état de nos ressources en eau, les stocks étant largement suffisants.

De plus, les réserves naturelles (aquifères, rivières) se renouvellent sans cesse et permettent d’utiliser l’eau qui nous arrive au moment où elle tombe sans avoir besoin de puiser dans les réserves fossiles. Tout l’enjeu consiste alors à anticiper les manques et à gérer les ressources en eau afin de réalimenter les nappes lorsque leur niveau devient trop bas, en utilisant des eaux de surfaces ou des eaux usées assainies.

L’eau dans le monde

Malgré son abondance sur la Terre, seul 2,5% de l’eau disponible sur la planète est de l’eau douce c’est-à-dire consommable. Indispensable pour notre survie, l’eau potable n’est pas accessible à tous de la même manière ce qui favorise le développement de la sous-nutrition. Selon l’OMS, 50% des cas de sous-nutrition chez les enfants sont dus à la consommation d’eau non potable et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à des services d’assainissement sûrs.

Aujourd’hui près de 2,2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau.

Les conflits, le dérèglement climatique, la pénurie croissante de l’eau, l’évolution démographique mais aussi l’urbanisation posent déjà des problèmes pour les systèmes d’alimentation en eau. D’ici 2025, la moitié de la population mondiale vivra dans des régions soumises au stress hydrique, c’est-à-dire lorsque la demande en eau dépasse les ressources en eau disponibles. C’est déjà le cas de 17 pays dans le monde (Inde, Lybie, Qatar, Botswana, Emirats Arabes Unis, Maroc, Jordanie, Pakistan, Liban…). La France quant à elle, se situe dans la moyenne haute des pays en stress hydrique avec un positionnement de 59 sur 164 pays étudiés.

Il est tellement facile d’ouvrir le robinet pour obtenir de l’eau que nous en avons oublier sa véritable valeur. Nous en prenons conscience quand cet acquis est remis en cause.

L’eau est l’un des biens les plus précieux, sans elle rien ne pousse et rien ne vit.

C’est de notre responsabilité à tous de protéger cette ressource et d’en limiter son gaspillage, pour l’avenir. Pour cela il faut déjà prendre conscience de sa fragilité et du fait qu’elle nous est indispensable. J’espère que c’est encore plus le cas après la lecture de cet article !

Et comme si ça ne suffisait pas… -> L’eau de pluie est désormais impropre à la consommation partout dans le monde


Ressources :

Sécheresse, crue, incendie,baisse des ressources en eau douce, baisse des rendements agricoles… toutes ces notions sont abordées lors d’un atelier Fresque du Climat. Pour comprendre le dérèglement climatique dans sa globalité, je t’invite à participer ou à organiser un atelier. >>> RDV ICI <<<

Une réflexion sur « L’eau douce, ressource essentielle et inestimable »

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